La vive : attention danger !

Publié le vendredi 28 août 2020 par Stéphane Charles
  • Technique de pêche

 

Mathieu Courtin tenant une vive avec une pince à poisson (VIVEment recommandé !)

 

Connaître la vive

 

Gravure extraite de l'histoire naturelle des poissons (allgemeine Naturgeschichte der fische) de Marcus Élieser Bloch – 1784 – Biodiversity Heritage Library

 

Nom scientifique : Trachinus draco 
Famille : Trachinidae (trachinidé).
Noms communs : Grande vive, vive, vive dragon, araignée de mer, avive, liètre (Bretagne), étherin (Normandie)

 

La grande vive est un poisson qui mesure en moyenne entre 30 à 40 cm mais il peut atteindre plus de 50 cm. Bien que le record de France de la grande vive enregistré par la FFPM soit de 0,63 kg (16/10/2011), sachez que nous avons vu des individus capturés par des pêcheurs de loisir qui dépassaient le poids d’1,5 kg. Nous avons ainsi pu voir certains spécimens de près de 2 kg sur la côte méditerranéenne et en Corse. Notez d’ailleurs que le record du monde de la grande vive est d’1,7 kg en Espagne (11/06/2005). Elle fait partie de la famille des trachinidés qui compte 9 espèces de vives dont les plus courantes en France et les plus connues sont la grande vive, la vive à tête rayonnée, la vive araignée et la petite vive. Elle possède un corps oblong, fusiforme et allongée. Sa gueule est orientée vers le haut et ses yeux sont au-dessus de sa tête – ce qui lui permet de chasser à l’affut en étant enfouie dans les substrats mous (sable, gravier fin, etc.). Elle possède deux séries de deux épines dorsales reliées à des glandes à venin. Elle est également dotée de deux dards venimeux au niveau des opercules (aiguillons operculaires), ce que beaucoup de personnes ignorent – et souvent à leur dépens ! La grande vive présente des flancs clairs jaunâtres avec des stries obliques sombres et bleues.

 

 

L’origine du nom de la vive

 

Grande vive – Trachinus draco (crédit photo © Hans Hillewaert - Licence de documentation libre GNU – Wikipedia)

 

Il semble que l’origine de nom de vive provienne de la longévité de ce poisson une fois sorti de l’eau. Notez qu’il a d’ailleurs la même origine en français que le mot vipère – animal avec lequel la vive partage un point commun évident : le venin. L’origine du nom scientifique Trachinus provient du grec et signifie « rugueux » / « écailleux ». D’origine latine, draco signifie dragon – ce qui montre bien combien ce poisson est craint depuis des temps ancestraux !

 

La grande vive vit sur des substrats sableux, vaseux ou constitués de graviers fins d’origine rocheuse ou coralligène. On la trouve sur toutes les côtes françaises (Méditerranée, Atlantique, Manche, Mer du nord) et il s’agit d’une espèce assez commune. Elle se rapproche des côtes lors des beaux jours et peut se trouver dans quelques centimètres d’eau en été. Dès les premiers froids de l’hiver, elle migre vers des fonds pouvant atteindre jusqu’à 300 m de profondeur. C’est un prédateur qui chasse à l’affut des crustacés, des mollusques, des vers, des petits poissons, etc. Elle a ainsi pour habitude de s’enfouir dans les substrats meubles en ne laissant sortir que ses yeux. Ainsi camouflée, elle est capable de bonds très rapides jusqu’à plusieurs mètres pour s’emparer par surprise de ses proies.

 

 

Reconnaître la grande vive par rapport aux autres vives

 

Cette petite vive pêchée par Laureen en surfcasting est reconnaissable par son dos brun jaune et sa première dorsale complètement noire

 

La grande vive possède des flancs clairs avec des stries obliques sombres, des teintes bleues turquoises et jaunes qui la rendent facilement reconnaissable. On la distinguera ainsi de la vive léopard (Trachinus radiatus) qui présente sur ses flancs des taches sombres au centre clair ; la vive-araignée (Trachinus araneus) possède des taches noires sur les flancs ; de son côté, la petite vive (Trachinus radiatus) n’a pas de ligne sur les flancs et présente de nombreuses petites taches noires.

 

 

Un poisson venimeux

 

Marc avec une grande vive prise en surfcasting

 

Le venin de la vive est très toxique. C’est d’ailleurs ce poisson qui est la cause du plus grand nombre d’envenimations (piqures venimeuses) en France (ndla : source du site internet de la santé « solidarité-santé.gouv.fr »). Pour le venin de la petite vive, la « dose létale médiane » qui est un indicateur quantitatif de la toxicité d’une substance (DL50) est de 0,35 mg/kg – ce qui le rend aussi toxique que celui du scorpion. C’est dire ! Même quand elle est juvénile, la vive est venimeuse et elle est capable d’infliger des piqures très douloureuses. Ce venin possède des propriétés hémolytiques (destruction des globules rouges), neurotoxiques et une action cardio-vasculaire. Il est composé de protéines au poids moléculaire élevé, de sérotonine, d’histamine, d’enzymes et d'hémolysines.

 

Quand vous pêchez sur les plages à faible déclivité comme ici avec cette plage vendéenne, faîtes très attention aux vives quand vous pénétrez dans l’eau

 

Vous noterez que le venin de la vive est encore plus toxique chez les individus mâles durant la période de reproduction en juin / juillet – période où justement la pêche est beaucoup plus pratiquée. La piqure déclenche une violente douleur qui peut devenir rapidement syncopale et durer jusqu’à plus de 24 h. Notez que l’œdème violacé provoqué par la piqure ne disparaît qu’après 48 h. La douleur irradie rapidement à tous les membres et peut se propager jusqu’aux os - et surtout au niveau des articulations ! La piqure entraîne rapidement une montée de fièvre pouvant être importante. Dans le cas de personnes allergiques, le venin déclenche un choc anaphylactique grave pouvant entraîner des troubles du rythme cardiaque (pouvant être graves avec des individus fragilisés au niveau du cœur), un malaise vagal, des nausées, une asthénie pouvant durer plusieurs jours, etc. Sachez que des pêcheurs s’étant fait piquer à plusieurs reprises lors d’une même saison ont développé de l’algodystrophie – c'est-à-dire une déformation articulaire avec une forte ankylose (diminution ou impossibilité des mouvements d’une articulation sur un membre mobile). C’est dire combien les conséquences d’une piqure sont à prendre au sérieux !

 

Comme Marc, faîtes très attention quand vous avez pêché une vive !

 

Il sera donc recommandé de ne surtout pas approcher vos mains d’une vive, que ce soit pour la photo d’usage, le décrochage de l’hameçon, etc. Veillez à tenir le montage avec la main bien éloignée de ce poisson. Afin de décrocher en toute sécurité votre hameçon, il faudra l’immobiliser car les risques de piqures sont réels lorsqu’elle se débat. En cas de prises multiples sur un montage à plusieurs empiles, soyez encore plus prudent ! Une pince à poisson en plastique spécifiquement conçue pour saisir le corps transversalement ou encore un fish grip maintenant le poisson par la gueule au niveau de la lèvre inférieure vous permettront avec une autre pince (pince à anneau brisé, pince à becs, pince à dégorger, etc.) d’enlever l’hameçon avec un minimum de risques. La solution d’une pince à poisson est la plus sécurisante mais elle ne vous empêche pas d’être attentif et d’éviter que votre autre main ne croise ses épines.

 

Cette pince à vive Flashmer est faite pour saisir le poisson par le corps sans danger

 

Le venin de la vive étant actif bien après sa mort, attention également lorsque vous mettez vos mains dans la glacière où vous la conservez – ce type d’accident étant bien plus fréquent qu’on ne le croit ! Couper les épines avec une paire de ciseaux au-dessus de l’eau afin d’éviter qu’elles ne se trouvent à bord est un gage de sécurité (pensez d’ailleurs aux dards operculaires !). En cas de piqure accidentelle, sachez que le venin neurotoxique de la vive est thermolabile – c'est-à-dire que ses principes actifs sont détruits par une simple source de chaleur supérieure ou égale à 50°. La meilleure solution reste l’eau chaude mais il sera également possible d’approcher avec prudence une source de chaleur (ex : briquet). Avoir toujours à bord des chaufferettes chimiques est une solution aussi pratique qu’économique car il est rare d’avoir de l’eau chaude à bord d’un bateau. Celles-ci atteignent une température de 50 à 55 ° en 1 mn à peine – ce qui est parfait pour éliminer totalement l’effet du poison. Ces chaufferettes sont légères, peu encombrantes et leur coût est négligeable. En avoir dans sa boîte de pêche sera donc vivement recommandé ! Dans tous les cas, cette source de chaleur doit être appliquée en moins de 3 à 4 mn sinon le venin aura trop circulé dans le sang – rendant l’application de chaleur inefficace.

 

 

La pêche de la grande vive

 

En surfcasting sur les plages de sable, il n’est pas rare de faire des vives. La prise par la gueule est sécurisante.

 

La pêche de la vive du bord sera généralement accidentelle en recherchant d’autres poissons. Comme pour beaucoup d’espèces, il serait illusoire de dire qu’on va spécifiquement pêcher la vive puisqu’elle sera prise en même temps que d’autres poissons. Toutefois, sachez que des pêcheurs en bateau la recherchent avec assiduité dans des fonds de 10 à 30 m – et souvent avec succès. La vive est en effet un poisson à la chair très prisée et certains s’en sont fait une spécialité – tout comme les pêcheurs de rasons en Corse. Ainsi, sachez qu’il est possible de cibler ce poisson en le recherchant sur des fonds sablo-vaseux. Elle sera généralement pêchée en même temps que des pageots, des grondins perlons, etc. vivant également sur ce type de substrat – ce qui limite les prises accessoires.

 

Deux énormes vives de plus de 40 cm sur un poste qui en regorge !

 

Sachez d’ailleurs qu’il existe des zones pouvant regrouper de très fortes populations de vives. Ainsi, nous avons eu l’expérience d’un secteur où il n’est pas rare de faire plusieurs dizaines de vives en quelques heures – dont des spécimens dépassant parfois le kilo ! Une fois que vous avez trouvé ce type de secteur, sachez qu’à l’instar des « pierres à chapons », vous referez systématiquement des vives durant la belle saison. Juin, juillet et août sont d’ailleurs des périodes très propices à des regroupements parfois très importants sur nos côtes. Nous connaissons ainsi des pêcheurs qui font des kilos de vives à chaque sortie pour leur consommation familiale.

 

 

Les montages pour pêcher la vive

 

Voici quelques montages de pêches à la palangrotte ou de pêches à soutenir qui vous permettront de pêcher facilement des vives. Sachez que si la vive est un poisson qui est généralement posé sur le fond, celle-ci n’hésite pas à monter sur les empiles hautes. Les doublés sur les bons secteurs sont ainsi fréquents !

 

Montage palangrotte 2 empiles + 1 traînard de Mathieu Courtin

 

Ce montage palangrotte de Mathieu Courtin du team Normandie Appâts est volontairement simple. Facile à faire, il permettra d’en avoir de nombreux exemplaires et de pouvoir en changer rapidement en cas d’emmêlements. Mathieu considère en effet ces montages comme du « consommable » destiné à ne servir que quelques heures. Il sera recommandé pour des pêches dans des fonds moyens compris entre 10 et 30 m.

 

Montage light sparidés

 

Ce montage sparidé est suffisamment polyvalent pour vous permettre de pêcher les sparidés en finesse que pour toucher d’autres espèces telles que les vives. Par rapport à un montage palangrotte traditionnel, les perles clipots permettant une rotation multidirectionnelle des empiles éviteront les problèmes de vrillages en pêches plus profondes ou en présence de courants.

 

Montage empile + traînard

 

Ce montage empile + traînard est spécifiquement conçu pour les pêches en dérive et il vous permettra ainsi de prospecter de vastes zones. Le plomb montre glisse en effet sur les substrats sablo-vaseux en opposant moins de résistance qu’un plomb classique. Sachez qu’il vous permettra également de pêcher jusqu’à des profondeurs plus importantes que les autres montages (jusqu’à 60 à 80 m).

 

Et un nouveau doublé de très grosses vives !

 

 

Les appâts

 

La vive est un poisson aussi facile à pêcher que les poissons de soupe (girelles, serrans, etc.) et elle peut mordre à tous les vers Normandie Appâts. Ceux-ci seront découpés aux ciseaux en petits tronçons de quelques centimètres environ. Nous vous recommandons les vers couramment employés pour les pêches à la palangrotte et les pêches à soutenir.

 

Dures rouges Normandie Appâts
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Ce ver est un grand classique pour les pêches à soutenir de type palangrotte. Robuste, il offre une bonne tenue à l’hameçon.

 

Rags Normandie Appâts
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Ce ver étant charnu et assez long (10 à 20 cm), il permettra d’avoir un très grand nombre d’eschées une fois découpé en petits morceaux, - le rendant ainsi très économique pour ces techniques de pêche à soutenir.

 

 

Un poisson aussi dangereux que…délicieux !

 

Bouillabaisse avec filets de vives préparée par Paul Bocuse – le chef surnommé « le cuisinier du siècle » ou le « pape de la gastronomie » ! (crédit photo © Arnaud25 - Licence de documentation libre GNU – Wikipedia

 

La vive possède une chair très délicate proche de la sole qui est particulièrement goûteuse. De grands chefs étoilés tels que Philippe Etchebest cuisinent ainsi ce poisson dans leur restaurant. Ses filets sont en effet considérés comme un met de choix par les connaisseurs. La vive rentre d’ailleurs dans la composition de la traditionnelle bouillabaisse selon la charte marseillaise officielle ! Ainsi, la première trace écrite de son association avec cette recette d’origine marseillaise date de 1785 dans le « Dictionnaire de la Provence et du comté-venaissin » nommé également « Dictionnaire des marseillais ». Sachant que le venin de la vive est actif bien après sa mort (même après avoir été congelée), il faudra être prudent lorsque vous la préparez pour la cuisine. La meilleure solution est de lui couper aux ciseaux les épines dorsales et operculaires pour éviter tous dangers si cela n’a pas été fait lors de votre pêche (ce que nous vous conseillons !). Notez que son venin est d’ailleurs entièrement détruit par la chaleur de la cuisson en quelques secondes et qu’elle ne représente alors plus aucun danger une fois cuite.

 

 

Histoire vécue

 

C’est lors de ce type de pêche à soutenir que Laurent s’est fait piquer par une vive. Il a ainsi appris à ses dépens qu’il était allergique à son venin car il a fait un violent choc anaphylactique.

 

Pêcheur passionné, Laurent a découvert qu’il était allergique au venin de la vive de la pire des façons. Alors qu’il pêchait les sparidés, il a remonté une vive sur une de ses empiles. Alors jeune pêcheur débutant et ne connaissant pas ce poisson, il l’a saisi à pleine main. Après une douleur très forte, sa main a doublée de volume en quelques minutes. Sa main a continué à enfler et la douleur s’est propagée dans tout le bras qui devenait rouge / violacé. Au bout d’un court moment, Laurent a déclaré à ses amis présents qu’il sentait son cœur qui accélérait puis, ne pouvant plus rester debout, il s’est couché sur le pont du bateau à demi conscient. Il faisait un choc anaphylactique si violent que les autres personnes à bord ont rapidement décidé de faire route vers la côte. De retour au port, ses amis l’ont alors immédiatement conduit à l’hôpital où on lui a fait de multiples injections de médicaments. Il a mis plusieurs jours à s’en remettre. C’est bien la preuve qu’une telle piqure peut avoir des conséquences très graves et qu’il ne faut pas prendre à la légère la dangerosité de ce poisson venimeux. Amis pêcheurs, soyez donc très prudents quand vous pêcherez ce poisson !